La blockchain, mais pour de vrai

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  1. La blockchain, mais pour de vrai
  2. 7. Connaissance, lucidité et pouvoir

7. Connaissance, lucidité et pouvoir

J’en reviens donc, cette fois un peu plus en détail, sur l’importance de s’informer dès maintenant, et de l’impact de cette connaissance, ou lucidité, sur le monde à venir.

Pourquoi s’informer ?

« Scientia potestas est » / « Le savoir, c’est le pouvoir ».
Thomas Hobbes, Leviathan, 1668 (18).

D’abord, l’intérêt de comprendre ici, c’est surtout d’avoir un contexte suffisant pour pouvoir, ensuite, raisonner de manière éclairée lorsque ces systèmes nous seront présentés — potentiellement de manière intéressée. Évidemment, il peut aussi s’agir de s’impliquer et de contribuer, qu’importe ; l’intérêt de cet article est de tenter d’éveiller au moins un intérêt. Ce contexte me paraît indispensable pour percevoir le sujet en toute bonne foi, sans être influencé.e seulement par ses applications les plus visibles — souvent celles qui paraissent les plus déplorables.

Ensuite, en acceptant que ces systèmes vont progressivement s’intégrer dans nos quotidiens, il me semble judicieux de les connaître, ne serait-ce que pour avoir une idée de leurs dangers et l’étendue de leurs capacités. D’ailleurs, je pense qu’il faut porter la même considération à l’intelligence artificielle, bien souvent empaquetée et essentiellement présentée soit comme une révolution extraordinaire, soit comme la fin de notre civilisation. Non pas que la réalité soit dans un entre-deux parfaitement neutre, « il y a du bon et du mauvais partout », etc ; ce n’est pas mon propos. Simplement, je pense que ces sujets nous sont présentés de manière tellement limitée et grossière, que la vérité ne s’y trouve simplement pas.

Ainsi, un manque de compréhension peut aussi signifier de rester sur le carreau par la suite. Enfin, pas nécessairement, puisqu’on sera inévitablement exposé à ces systèmes — mais ni selon ses propres termes, ni dans un environnement adapté pour en obtenir un contexte satisfaisant. D’où l’intérêt de le faire prématurément.

Enfin, il y a un énorme biais technologique dans cette analyse. Je pense, d’une part, que ces conséquences sont inévitables, d’autre part, que la blockchain peut nous permettre de transformer nos démocraties en profondeur, entre autres. Je comprends évidemment qu’on souhaite combattre ce modèle technologique en tant que tel, encore plus dans le cas de l’intelligence artificielle, qui à mon sens représente un cas tout à fait différent. Par conséquent, on peut s’y intéresser, mais on peut aussi choisir de ne pas s’y exposer du tout. Encore, pour cela, il faut avoir le choix de s’y exposer — une partie significative de la population possède toujours un accès numérique et technologique très limité, condamnée à en subir les conséquences sans même pouvoir prétendre accéder aux alternatives.

Dans tous les cas, ces systèmes décentralisés représentent à mon sens un terrain très propice pour porter des initiatives et des revendications avec une force impressionnante — littéralement inébranlable — mais ne sont qu’un des nombreux moyens de faire [ce que l’on veut en faire].

Pourquoi maintenant ?

Il existe déjà un certain nombre de personnes qui utilisent la blockchain, innovent et recherchent pour conserver son esprit initial. Pour l’instant, cela reste un écosystème relativement restreint, en ce qu’il existe encore assez peu de personnes qui s’y investissent quotidiennement en comparaison avec l’ampleur de l’adoption possible.

C’est-à-dire que si on en garde seulement les meilleurs aspects, la rapidité d’innovation fait que beaucoup d’aspects sont encore peu ou mal définis — et donc sont en train d’être précisés en ce moment. Selon moi, les conditions sont idéales pour se renseigner, d’autant plus que la quantité de ressources gratuites — et de qualité — d’éducation sur le sujet commence à être importante.

Il serait surprenant que des informations de la même qualité et aussi impartiales soient mises en avant à travers les médias traditionnels, donc inévitablement, la manière dont nous serons renseignés sur cette technologie dépendra de ce choix et de sa précocité. Il n’est pas dans notre intérêt d’attendre que cette éducation passe par ces institutions conventionnelles. En effet, elle ne permettra certainement pas — ou moins — de reprendre le contrôle de nos données, et plus globalement de nos possessions digitales, ainsi que de décentraliser le pouvoir décisionnel.

Essentiellement, il s’agit de profiter d’un moment d’utilisation libre et décomplexée de cette technologie pour chercher à la comprendre avec un biais minimal, contrairement au moment où son exploitation portera beaucoup plus d’intérêts financiers et politiques. Lorsque cette technologie reflétera les concurrences entre pays et puissances économiques, et deviendra un argument dans la bataille de l’opinion publique, il sera considérablement plus compliqué de s’en faire un avis nuancé.

Que faire ?

Une nouvelle fois, je pense que pour l’instant, il n’y a pas grand-chose de plus à faire que de s’informer. C’est assez vague, mais déjà important ; cela permettra au moins d’avoir un regard critique dans les années à venir, une idée des alternatives, des moyens de s’impliquer — ou de s’éloigner. Je ne conseille pas forcément d’utiliser immédiatement la blockchain et des solutions décentralisées — cela demande encore une bonne éducation à la sécurité informatique et un sens critique empirique de la différence entre opportunité et arnaque, initiative prometteuse sécurisée et projet douteux.

On recommande souvent d’investir seulement ce qu’on est prêt.e à perdre, et de comprendre que l’apprentissage se fait essentiellement par des cycles pratiques de pertes et de gains, plutôt que par des conseils théoriques. Ces conseils s’appliquent principalement à l’aspect spéculatif et opportuniste de la blockchain. Il est tout à fait possible d’expérimenter des solutions concrètes, sans investissement d’argent — mais tout de même, il est judicieux d’appliquer ces mêmes conseils.

En effet, les problèmes de l’accessibilité et de la sécurité sont en train d’être adressés et résolus en ce moment, pour rendre l’intégration plus sûre, accessible et ergonomique. Cependant, il est toujours étonnamment facile de tout perdre, à cause d’une erreur minime. Inévitablement, en se réappropriant la propriété individuelle et collective, le droit à la vie privée, la circulation universelle des biens, l’accès à une information vérifiable et la transparence de systèmes autrefois opaques, en résulte la charge d’une responsabilité qu’on ne peut plus déléguer. C’est effrayant : on devient responsable d’un portefeuille numérique qui stocke nos données et notre argent — tout cela accessible avec une simple suite de lettre et de chiffres, impossible à deviner, mais si facile à perdre ou à se faire dérober. Dans ces deux cas — pour l’instant — il est impossible de revenir en arrière. Bientôt (déjà), des institutions nous proposerons gentiment de conserver cette clé privée pour nous faciliter la tâche ; ce n’est pas l’objectif, et c’est déjà plus ou moins comme cela que nos systèmes fonctionnent. En réalité, il existe déjà des solutions extrêmement encourageantes qui permettent de conserver cette autonomie, tout en réduisant considérablement les risques de perte ou de vol.


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